Conclusion

… le voyage intérieur…

Le voyage chez Jim Jarmusch est avant tout intérieur. Les personnages voyagent tous, ou se déplacent, migrent, fuient. Ils fuient non pas pour voyager mais pour rencontrer, des gens, se chercher. Les personnages sont la plupart du temps des hommes ou des femmes perdus, qui recherchent leur identité ou un nouvel équilibre. Ils sont souvent les prisonniers de leurs caractères. Ils quittent un endroit pour aller vers un ailleurs qui leur est plus favorable. L'œuvre de Jarmusch est un chassé croisé de vies, de gens qui se rencontrent, qui passent à côté les uns des autres sans jamais se voir. Jarmusch brasse une société dans laquelle tout le monde a sa place. Le voyage n'est pas une fin en soi. Le voyage est le symbole de la vie intérieure des personnages. C'est non pas le déplacement d'un personnage d'un endroit à un autre, mais le "déplacement de l'esprit" d'un état à un autre. C'est pour cela qu'il filme le présent. Pour saisir non pas un souvenir, non pas un projet mais bien un état d'esprit, une sensation.

… des films personnels…

D'origine Hongroise, il traite les déracinés, les cultures qui se mélangent, tous ses hommes , pour lesquels il a de la tendresse, qui viennent de pays différents qui pourtant se ressemblent et s'insurge contre la violence qui les sépare. Cette violence fondatrice des Etats-Unis le révolte tout comme la drogue ou la religion.

… une indépendance bien maîtrisée…

Les films qu'il a réalisé, avec tout ce qu'ils soulèvent et la manière dont ils ont été réalisés ont pu être ce qu'ils sont grâce au statut d'indépendant de Jarmusch. C'est un statut qu'il revendique et dont il ne se séparera jamais. Il tourne catégoriquement le dos à Hollywood et à toutes les institutions totalitaire. Comme Godard, Jarmusch n'est pas moraliste. Il se pose des questions, analyse des comportements et nous laisse tirer nos conclusions.

… la réflexion d'un réalisateur…

Par sa mise en scène limpide, son montage coulé ("cool"), Jim Jarmusch ne nous confine pas dans une histoire, dans une sensation. Il nous laisse voyager comme ses acteurs, nous laisse le temps de les découvrir, de nous découvrir. Godard disait que "les miroirs feraient bien de réfléchir avant de renvoyer une image", le cinéma de Jarmusch, lui, est tout réfléchi.

… une nouvelle optique de mise en scène…

Avec Dead Man, le cinéaste se trouve. Il change d'objet. Le personnages est plus vide que jamais et Jarmusch "l'enterre". Il l'enterre avec douceur car son cercueil est une petite embarcation. Il est enfoui non pas dans la terre mais dans le brouillard, dans l'eau de la pluie, de la mer à l'embouchure du fleuve. Il en finit avec ses voyages de recherche. Les voyages auront un autre chemin que celui de la quête de l'identité.

Avec Ghost dog : the way of the Samouraï, Jarmusch changerait-il de cinéma ? transpose-t-il son attention non plus uniquement sur les personnages mais plus sur les valeurs plus ou moins défendables qui régissent la société ?

Encore une fois avec ce film Jarmusch met en valeur un comédien (Forest Whitaker) et fait l'unanimité de la critique. Il n'a pas encore été primé mais a séduit tous les quotidiens sur la croisette.